C’était mi-Janiver. On s’est retrouvé sur Paris avec Clémence pour une séance photo Acceptation de son corps qu’elle avait remportée grâce au concours organisé par Womoon. (D’ailleurs, si vous passez par là la team Womoon merci encore mille fois !)
J’ai été émue et fascinée par la personne qu’elle incarnait. Je le suis toujours d’ailleurs. C’était comme l’un de ces après-midi entre amies qui se connaissent depuis toujours. On a parlé d’amour de soi, de la passion de Clémence pour le yoga, de sa tiny house, des rituels de lune, de santé mentale. Et on a parlé aussi de sa relation avec son corps. Pendant 1h30, j’ai bu ses mots. Aujourd’hui, Clémence te les partage.
Que tu sois une soeur, une mère, une amie ou simplement toi-même, j’espère qu’ils résonneront en toi.
Amour sur toi,
Estelle
Quelle est ton histoire avec ton corps ? Quelle relation avais-tu avec lui auparavant ?
Mon corps, est la plus grande toile que j’ai trouvé pour m’exprimer. Il a été le reflet de mes maux intérieurs et extérieurs. Je l’ai souvent détesté, abîmé, détraqué. Je suis née avec un corps malade, un cœur qu’il a fallu réparer, laissant une grande cicatrice sur ma poitrine. Je suis née avec l’idée que mon enveloppe corporelle, ce qui est censée protéger l’être intérieur, était défectueuse. Mon corps est passé entre de nombreuses mains. Mon corps est devenu le droit et le regard d’autrui. J’ai laissé cette croyance exister longtemps, j’ai subi des violences sexuelles, du harcèlement moral et physique au collège, avant de sombrer dans une anorexie sévère, me permettant de débrancher ma prise de vie, mon seul instinct de Survie à ce moment, pour ne plus avoir mal, pour oublier, pour m’anesthésier.
Mon corps aujourd’hui a repris vie. Un long chemin, mais un beau chemin. Comme réapprendre une langue étrangère. Je fais encore des fautes d’orthographe, certains maux sont encore rayés, mais lorsque j’ouvre les pages de son livre, le Pardon est au chapitre premier…
Comment vit-on lorsque l’on souffre d’anorexie ?
À mes yeux l’anorexie, c’est un suicide lent. Ce n’est plus vivre c’est chercher à mourir.
Mes années d’anorexie, de mes 15 à mes 20 ans, ne sont qu’une longue amnésie traumatique.
Je ne regardais plus mon corps, le reflet dans un miroir était impossible, parce qu’une dysmorphophobie (le fait de se voir autrement que ce qui est dans la réalité) est souvent majeure dans l’anorexie. Mon corps c’était un chiffre sur une balance, des kilomètres à parcourir, des calories à supprimer…
Il n’y a plus d’émotions, plus de pensées autre qu’une obsession alimentaire.
Tout s’éteind, plus rien ne fonctionne. Le rythme cardiaque, la thermorégulation du corps (j’ai été jusqu’à l’hypothermie où mon visage portait des marques bleues), les désirs, les plaisirs …. tout. J’ai conscience d’avoir failli mourir de cette anorexie. C’est pour cela que j’accepte et parviens aujourd’hui à en parler. À dénoncer. À faire savoir….
Quel a été ton élément déclencheur pour sortir de cette spirale ?
C’était une nuit, où je me suis réveillée transie de froid (mon rythme cardiaque frôlait les 28 battements par minute la nuit), mes membres ne me répondaient plus. J’ai voulu appeler à l’aide, mais je n’y suis pas parvenue. J’ai fermé les yeux, et me suis dit que c’était fini.
Je me suis réveiller le lendemain matin, vivante. Et j’ai dis stop. Je voulais être sage femme, donner la vie, depuis si longtemps… et je me refusais la vie à moi-même ?
J’ai ouvert les portes d’une structure d’aide, qui m’a hospitalisé d’urgence. Et c’est cette hospitalisation qui m’a ramené doucement à la surface. J’ai appris à méditer, et c’est l’entrée dans le monde du yoga qui m’a reconnecté à ce que le corps pouvait avoir de beau…
Quelle relation entretiens-tu avec ton corps aujourd’hui ?
Je l’aime.. j’ai encore des choses à réparer, mais chaque matin, j’ai la chance d’avoir cette gratitude folle de vivre. J’ai réalisé plein de rêves en très peu de temps, comme une urgence intarissable de vivre. J’ai fini major de ma promotion de sage femme, je suis partie découvrir ce métier au Benin, à Mayotte, en Guyane, je suis devenue prof de yoga, et suis partie en retraite, j’ai acheté et vie depuis peu dans une tiny house.
Mon corps est mon partenaire, de yoga, de vie. Et j’apprends à le posséder pleinement…